Truands voir ce film

  • Truands
  • France
  • -
  • 2007
  • RĂ©alisation. FrĂ©dĂ©ric Schoendoerffer
  • ScĂ©nario. FrĂ©dĂ©ric Schoendoerffer, Yann Brion
  • Image. Jean-Pierre Sauvaire
  • Montage. Irene Blecua
  • Musique. Bruno Coulais
  • Producteur(s). Éric NĂ©vĂ©, FrĂ©dĂ©ric Schoendoerffer
  • InterprĂ©tation. Philippe Caubère (Claude Corti), BenoĂ®t Magimel (Franck), BĂ©atrice Dalle (BĂ©atrice), Olivier Marchal (Jean-Guy), Mehdi Nebbou (Hicham), Tomer Sisley (Larbi).
  • Date de sortie. 17 janvier 2007
  • DurĂ©e. 1h47
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Un monde sans pitié, par Audrey Jeamart

Si l’on voulait caractĂ©riser le dernier film de FrĂ©dĂ©ric Schoendoerffer, on dirait que Truands est… un film de truands, ni plus ni moins. Ce n’est pas un thriller, ce n’est pas un film policier, c’est une plongĂ©e radicale et quasi documentaire dans le monde du grand banditisme, avec sa hiĂ©rarchie, ses magouilles, ses règlements de comptes, ses horreurs. Choquants, rĂ©voltants, agaçants, le sujet et les personnages le sont indĂ©niablement. Comment pourrait-il en ĂŞtre autrement quand se dĂ©roule sous nos yeux la vie de truands sans foi ni loi comme Claude Corti et ses acolytes. Truands souffre de quelques longueurs et manque peut-ĂŞtre de puissance narrative. En revanche, il faut reconnaĂ®tre Ă  Schoendoerffer un vrai talent pour dĂ©peindre le milieu qu’il a choisi d’observer, aussi dur et impitoyable soit-il.

Truands est un film dont on ne ressort pas indemne. Tout simplement parce que durant 1h50, il plonge la tĂŞte du spectateur sous l’eau et ne lui permet de la redresser qu’une fois la projection terminĂ©e, quand certaines images ne reviennent pas le hanter. Schoendoerffer s’est beaucoup documentĂ© sur le milieu du grand banditisme, pour produire un film qui soit le plus rĂ©aliste possible. S’inspirant de faits divers et de personnages rĂ©els, Truands suit le trajet d’un grand nombre de personnages, Claude Corti (Philippe Caubère) et son comparse Franck (BenoĂ®t Magimel) en tĂŞte. Corti est le chef, celui qui est craint et parfois haĂŻ, celui qui a acquis une sorte de droit de vie et de mort sur son petit monde. Faux papiers, rĂ©seau de prostitution, drogue, il règne en maĂ®tre et gère les coups tordus comme un vrai business-man.

Pour asseoir la dimension rĂ©aliste de son film, Schoendoerffer adopte un principe de mise en scène et le suit jusqu’au bout. il cadre constamment Ă  hauteur d’homme. Jamais sa camĂ©ra n’effectuera de plongĂ©e ou de contre-plongĂ©e, toujours le point de vue adoptĂ© sera celui de l’immersion totale et au niveau des truands dans leur milieu. La camĂ©ra virevolte un peu au dĂ©but du film, notamment quand Corti entre dans une chambre d’hĂ´tel pour aller saluer le jeune Larbi (Tomer Sisley), fraĂ®chement sorti de prison. Entre toutes les filles nues qui dĂ©ambulent dans la chambre, la camĂ©ra ne sait plus oĂą donner de la tĂŞte. Mais c’est quasiment une exception. La plupart du temps, elle suit discrètement l’action, intĂ©grĂ©e comme un membre de la fratrie.

Le film souffre dĂ©jĂ  et souffrira encore de nombreuses critiques quant Ă  son manque d’intrigue, ainsi qu’Ă  la violence et au machisme qu’il prĂ©sente. Sans vouloir se faire l’avocat du diable, il est cependant nĂ©cessaire de pointer du doigt la cohĂ©rence dont fait preuve Schoendoerffer tout au long du film. S’il avait voulu rĂ©aliser un thriller, il aurait mis en place une intrigue autour d’un personnage, un mystère Ă  percer. Mais lĂ  n’Ă©tait pas son ambition. Son ambition Ă©tait de dĂ©peindre le milieu des truands avec le plus de vĂ©racitĂ© possible, de les saisir dans leur vie quotidienne, leurs habitudes, leur mode de fonctionnement. En s’attachant Ă  dĂ©crire au quotidien cette micro-sociĂ©tĂ©, il passe certainement Ă  cĂ´tĂ© d’une histoire plus trĂ©pidante et enlevĂ©e.

Mais ne lui faisons pas de faux procès sur ce point, pas plus que sur le caractère violent et profondĂ©ment machiste de son film. Oui, le film est violent, oui, les dialogues sont machos au possible et mĂŞme rĂ©voltants, surtout si l’on est une femme. Mais si tel n’avait pas Ă©tĂ© le cas, on n’aurait pas manquĂ© d’accuser Schoendoerffer de jouer petit bras. La scène de torture est insupportable, c’est indĂ©niable. Elle n’a pas Ă©tĂ© filmĂ©e dans l’optique d’Ă©pargner le spectateur. Mais elle n’est pas gratuite. Plus suggĂ©rĂ©e, elle aurait eu moins d’impact. Si l’on suit la logique rĂ©aliste jusqu’au bout, ces scènes de violence sont, dans leur grande majoritĂ©, justifiĂ©es par le scĂ©nario.

Sans polĂ©miquer sur l’interprĂ©tation de Philippe Caubère, agaçant pour certains, parfait de dĂ©mesure pour d’autres, notons que le personnage le plus intĂ©ressant du film est sans doute celui qu’interprète BenoĂ®t Magimel, Franck, le petit prĂ©fĂ©rĂ© de Corti. Le film s’ouvre sur lui, la camĂ©ra reculant tandis qu’il marche vers elle, et se referme sur lui, figure solitaire et mystĂ©rieuse qui s’Ă©loigne et prend du recul par rapport Ă  ses activitĂ©s. Truands n’est pas parfait, mais a le mĂ©rite d’aller jusqu’au bout, sans fioritures. Et l’on a rarement Ă©tĂ© aussi heureux de rentrer tranquillement chez soi.

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